Syrie : Nous sommes passés d'’une guerre par procuration à une
vraie guerre !
Ce 21 septembre lors d’une
énième session du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation en Syrie, Ban
Ki-moon aurait déclaré :
« C’est l’occasion de
rétablir la cessation des hostilités, faciliter l’aide humanitaire à Alep et
dans tout le pays, maintenir au sol la force aérienne syrienne et voir une
action militaire conjointe contre les groupes terroristes tels que Daech et Al
Nosra… cela permettrait d’ouvrir la voie vers des négociations politiques »
[*].
Maintenir au sol la force
aérienne syrienne ! Pour quoi faire, sinon légitimer les mensonges, la
cruauté et la rapacité de ses donneurs d’ordre ?
Pour mémoire, voici la
réponse du Docteur Bachar al-Jaafari, délégué permanent de la Syrie auprès des
Nations Unies [NdT].
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Mesdames
et Messieurs,
Nous
sommes réunis dans cette salle alors qu’au dehors nombre de manifestants sur la
47ème rue exigent que certains membres de ce
Conseil ne touchent plus à la Syrie [Hands off Syria !], cessent leurs
frappes et arrêtent de soutenir les organisations terroristes ; de telles
manifestations ayant lieu dans plusieurs villes américaines, en Californie et
ailleurs.
Monsieur
le Président,
Cette
importante séance du Conseil de sécurité sur la situation en mon pays se tient à
un moment extrêmement sensible où nous constatons de dangereux déséquilibres
contredisant les signaux indicateurs d’un dénouement positif la semaine
passée.
Ceci,
à cause des dérobades des États-Unis à l’accord conclu avec la Fédération de
Russie, le 9 septembre dernier, et de leur absence de volonté d’obliger les
organisations terroristes soutenues par ladite « Coalition
internationale » à le respecter, en notant au passage que le
caractère prétendument international de cette coalition ne correspond pas à la
réalité des faits, étant donné qu’elle s’est constituée en dehors du cadre de la
légalité internationale, sans résolution du Conseil de sécurité et sans
consultations préalables de la partie concernée ; en l’occurrence, le
Gouvernement de la République arabe syrienne.
Ce
qui nous rappelle d’autres « coalitions destructrices », évoquées par
certains intervenants que nous remercions, lesquelles coalitions n’ont engendré
que des catastrophes sur des États, comme l’Irak, la Libye et le Yémen.
Mesdames
et Messieurs,
Il
y a deux ans, quand l’Administration américaine a programmé son ingérence
militaire aérienne unilatérale sur mon pays, les responsables américains sont
venus nous trouver pour nous signifier l’engagement de Washington à ne pas
cibler l’Armée arabe syrienne et les infrastructures vitales du pays, assurant
qu’ils ne s’en prendraient qu’aux terroristes de Daech. Ce sont là des paroles
qui m’ont été confiées par la déléguée permanente des USA auprès des Nations
Unies, au nom de son gouvernement, et que j’ai transmises à mon
gouvernement.
Mais
voilà que deux ans plus tard, les responsables américains oublient les
engagements et les promesses faites au nom de leur pays, et que l’aviation
américaine frappe les bases de l’Armée arabe syrienne ainsi que les
infrastructures du pays, après avoir déployé ses soldats sur le territoire
syrien.
L’agression
militaire américaine à l’est de notre pays, l’agression turque au nord et
l’agression israélienne au sud signifient clairement que nous sommes passés de
l’étape d’une guerre par procuration à celle d’une vraie guerre.
Mon
pays avait accueilli favorablement les déclarations russo-américaines du 9
septembre, lesquelles soutenaient explicitement que les deux parties avaient
réussi à trouver un accord concernant la lutte contre Daech et le Front
al-Nosra, quel que soit le nom qu’ils se donnent ; un accord conclu à la
connaissance et avec le consentement du gouvernement syrien.
Il
n’empêche que la Communauté internationale, représentée par ce Conseil, est
restée de marbre sans exprimer, ne serait-ce que par un bref communiqué, le
moindre blâme ou inquiétude devant l’immense choc provoqué par l’agression
barbare et injustifiée de l’aviation militaire des USA, de la Grande Bretagne,
de l’Australie et du Danemark sur des positions de l’Armée arabe syrienne,
laquelle se battait contre l’organisation terroriste Daech sur le mont de Tharda
autour de l’aéroport de Deir ez-zor.
Aucune
condamnation et pas le moindre blâme face à cette agression caractérisée contre
des unités de l’Armée arabe syrienne, pourtant connues pour défendre
depuis deux ans des dizaines de milliers de civils assiégés par Daech à
l’intérieur de cette ville, avec pour résultat la mort de dizaines de soldats et
d’officiers syriens : 82 martyrs et plus d’une centaine de blessés.
Une
agression qui a duré cinquante minutes… cinquante minutes de frappes,
précédées par le survol de drones ayant analysé la zone pendant deux
jours.
Une
agression qui a ouvert la route aux terroristes de Daech pour occuper ces
positions militaires volontairement ciblées, avant que l’Armée arabe syrienne ne
réussisse à les reprendre.
Pire
encore, ces soldats et officiers de notre Armée ont dû subir un deuxième tour de
frappes aériennes par drones de combats, alors qu’ils se retiraient de leurs
positions sur le mont de Tharda.
Avant
cette agression délibérée, le gouvernement de mon pays
accordait une grande importance à la séparation entre les diverses organisations
armées conformément au contenu de la Déclaration de Vienne 2, du 14 novembre
2015, quant à la définition de qui était terroriste et qui ne l’était pas, qui
était opposant et qui ne l’était pas. Désormais, il faut croire que dix mois
n’ont pas suffi à l’identification des indices de cette embarrassante énigme,
d’autant plus que certains semblent avoir été frappés d’un Alzheimer
précoce.
Dans
ce même contexte, Damas attendait que Washington respecte ses engagements
consistant à mettre un terme aux agissements des régimes de certains États
impliqués dans le soutien du terrorisme politiquement, médiatiquement,
logistiquement, financièrement et idéologiquement. Nous attendions aussi que
cesse l’afflux des terroristes et des armes à travers les frontières de pays
voisins et que cesse l’utilisation du terrorisme comme arme de chantage
politique.
Monsieur
le Président,
Les
avions de reconnaissance et les satellites espions américains, ainsi que tous
les Services du renseignement de ladite Coalition internationale, n’ont pas
réussi à distinguer entre Daech et ceux qui combattent Daech. Ce qui n’est pas
étonnant puisqu’ils auraient échoué, depuis de longues années, à repérer les
milliers de terroristes étrangers exportés en Syrie et en Irak à partir de
différents pays ; sujet évoqué par le Premier ministre espagnol que nous
remercions.
Ils
ont échoué à repérer des éléments terroristes étrangers infiltrés en Syrie à
travers notre frontière avec la Turquie et d’autres pays voisins, comme ils ont
échoué à repérer les convois de véhicules armés et les milliers de terroristes
de l’organisation Daech, partis de leurs bases irakiennes pour un long périple
de deux cents kilomètres, en plein désert syrien, en direction de
Palmyre.
Comme
ils ont échoué à repérer les milliers de camions acheminant le pétrole syrien
volé, vers la Turquie, avant de le vendre à Israël pour financer les opérations
terroristes de Daech.
Comme
ils ont échoué à mettre fin au financement et à l’armement des organisations
terroristes, bien qu’ils connaissent la source du moindre dollar encaissé par
Daech, le Front al-Nosra et autres organisations qui leur sont étroitement
liées.
En
revanche, leur grand succès a consisté en la fabrication d’accusations
mensongères, d’événements falsifiés, de rapports politisés et de films frelatés
dans le but de diaboliser le gouvernement syrien et ses alliés.
Le
plus étonnant est d’entendre le ministre américain des Affaires étrangères se
fonder sur le témoignage d’un « témoin oculaire » qui
aurait remarqué la présence d’engins volants au dessus du convoi d’aide
humanitaire détruit hier, [le 20 septembre], par des frappes aériennes. Cet
unique témoignage d’un témoin issu de ladite opposition
syrienne, génétiquement modifiée en opposition armée
« modérée », a suffi à Monsieur Kerry pour étayer ses
accusations impliquant la Syrie et la Russie !
D’où
la question : est-il possible qu’une seule personne ait pu
remarquer la présence d’avions de combat dans le ciel d’une région peuplée par
des centaines de milliers de personnes, devenues toutes aveugles à ce
moment précis ?
D’ailleurs,
ce problème des « témoins oculaires » suscite désormais beaucoup
d’ironie, notamment si l’on se souvient que le gouvernement syrien a été accusé
d’avoir utilisé des armes chimiques sur la foi d’un témoin oculaire,
toujours issu de ladite opposition modérée génétiquement modifiée,
lequel a déclaré avoir aperçu un hélicoptère lancer quelque chose qui s’est
transformé en fumée orange. Là aussi, un seul de ces témoins a
suffi pour en arriver à incriminer le gouvernement syrien, comme si personne ne
disposait d’hélicoptères dans la zone concernée, ni l’armée turque, ni l’armée
américaine, ni même les terroristes ayant notoirement volé quelques hélicoptères
des aéroports syriens.
Pour
rafraîchir la mémoire des États membres de ce Conseil je rappellerai quelques
incidents qualifiés d’« erreurs » par les responsables américains,
qualification qui insulte notre intelligence et suggère qu’apparemment les
États-Unis ne tirent pas les leçons de leurs erreurs.
Ainsi,
les Forces américaines se sont trompées, plusieurs fois, depuis la formation de
ladite « Coalition internationale » ; laquelle a bombardé,
par erreur, une école primaire pour enfants sourds et muets à
Raqqa ; a balancé, par erreur, des armes, des grenades à main et des
missiles tombés entre les mains de Daech à Aïn al-Arab ; a tué, par
erreur, des civils syriens près de la ville de Raqqa sous prétexte
d’avoir voulu détruire une usine de fabrication d’armes dépendant de Daech.
Et
puis, les avions américains et français ont commis une grosse erreur
lorsque leur raid s’est soldé par la mort de deux cents civils dans la ville de
Manbej, près d’Alep ; Alep, sur laquelle vient de pleurer l’un
d’entre eux, ses avions ayant frappé et tué, par erreur, les deux cents civils
de Manbej.
Monsieur
le Président,
Les
dernières accusations calomnieuses portées contre le gouvernement de mon pays et
de ses alliés, tous engagés dans la guerre contre le terrorisme, pour leur
imputer la responsabilité de la destruction du convoi d’aide humanitaire près
d’Alep, sont arrivées dans le sillage d’une guerre médiatique
sans précédent et d’une sale politique, menées par des parties
bien identifiées, lesquelles continuent à exploiter les souffrances du peuple
syrien dans le seul but de nourrir une propagande médiocre et un chantage
politique odieux censés concrétiser leurs propres calendriers. Faisant fi du
prix exorbitant payé par le peuple syrien, elles sont déterminées à prolonger la
crise et à torpiller tout espoir d’une solution qui serait incompatible avec
leurs agendas politiques.
Dès
l’annonce de l’accord russo-américain et avant même sa mise en exécution, mon
pays a prévenu et continue à mettre en garde contre les velléités de certaines
forces régionales cherchant à torpiller cet accord.
À
cet effet, il a alerté le Conseil de sécurité pour qu’il prête son attention aux
agressions israéliennes caractérisées sur le territoire syrien
tout au long des semaines passées, avec une fréquence dangereusement accrue
depuis que l’accord russo-américain a révélé que les deux parties s’était
entendues pour mener la guerre contre le Front al-Nosra au même titre que
d’autres organisations terroristes, dont le Liwa’ chouhada’
al-Yarmouk.
Des
agressions couvertes par le terrible silence du Département des
Opérations de Maintien de la Paix [DOMP ou DPKO], en dépit d’une
dizaine de lettres que nous avons adressées à son Secrétaire général et à
vous-même, concernant le soutien d’Israël aux terroristes
du Front al-Nosra sur la ligne de séparation au Golan et les soins prodigués aux
blessés de cette organisation dans les hôpitaux israéliens.
Par
ailleurs, j’attire l’attention du Conseil de sécurité sur les opérations
guerrières illégales menées par les forces aériennes et terrestres de la
Turquie en territoire syrien, sous prétexte de frapper Daech et
sans coordination avec le gouvernement syrien ou la direction des opérations
russe ; ce qui constitue en soi un « crime
d’agression » selon la Charte des Nations Unies, le Droit
international et les principes du Conseil de sécurité.
Monsieur
le Président,
Mon
pays est disposé à poursuivre le dialogue entre Syriens, sans
conditions préalables, conformément aux résolutions, accords et principes fixés
dès le départ en faveur d’une solution politique décidée par les seuls Syriens et sans ingérence étrangère. Je souligne
en rouge un million de fois « par les seuls Syriens et sans ingérence
étrangère ».
Une
solution qui fera qu’ils décideront de leurs choix et de leur avenir sous
direction syrienne, avec la volonté de préserver la souveraineté, l’unité et
l’intégrité de la Syrie. Nous ne permettrons
jamais que notre pays soit transformé en une autre Libye ou un autre Irak.
Jamais !
À
ce sujet, nous affirmons que tout processus politique en Syrie nécessite
l’entière coopération et l’entière coordination avec le gouvernement syrien, en
sa qualité de partenaire fondamental à tout point de vue et dans tous les
dossiers en rapport avec ce processus.
Car,
aucun comité, aucune réunion, aucun congrès prétendant aboutir à une solution de
ladite crise syrienne ne peuvent réussir tant que certaines parties prenantes
travaillent, volontairement ou involontairement, à soustraire le gouvernement
syrien, à semer le doute sur sa réelle coopération avec les Nations Unies, à
dénigrer le succès de ses efforts de réconciliations nationales fondées sur
l’engagement volontaire des individus armés à abandonner leurs armes avant
règlement de leur situation par une amnistie et, sinon, sur l’acheminement des
récalcitrants vers d’autres zones pour assurer le retour à une vie normale dans
les régions qu’ils quittent, et permettre aux institutions étatiques de réparer
et de reconstruire dans le cadre de leurs missions respectives.
Monsieur
le Président,
Je
terminerai par une question. Est-il concevable que des
centaines de groupes armés avec des dizaines de milliers de terroristes soient
capables de mener, pendant plus de cinq ans, un tel terrorisme contre le
gouvernement, le peuple, l’Armée et les infrastructures de mon pays, sans
soutien de l’étranger ?
N’est-il pas venu le temps que certains admettent cette vérité au lieu
d’égarer le monde en soutenant que ce qui se passe en Syrie est une guerre
civile ?
Merci,
Monsieur le Président
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué
permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
Entendez ce dossier de l’Écho des Montagnes, surtout sa conclu--sion.
Napoéléon III en Syrie en 1860.pdf