Le paradoxe de Fermi et les extraterrestres invisibles
par Gabriel Chardin
par Gabriel Chardin
Comment expliquer qu'aucune civilisation extraterrestre ne nous ait
encore rendu visite, alors que notre galaxie compte plusieurs centaines
de milliards de planètes ?
Le physicien Gabriel Chardin répond à cette
question très sérieuse, connue sous le nom de paradoxe de Fermi.
Au début des années 1950, le physicien et Prix Nobel Enrico Fermi
lançait la discussion sur le paradoxe apparent suivant : alors
qu’environ deux cents milliards d’étoiles existent dans notre galaxie,
et que très probablement, comme nous le savons assez précisément
aujourd’hui, plusieurs centaines de milliards de planètes orbitent
également autour d’elles, comment peut-il se faire que nous n’ayons pas
encore été visités par de (nombreuses) civilisations d’extraterrestres ?
En effet, faisons l’hypothèse que la vie émerge sur une fraction même
très minime de ces milliards de planètes : les dimensions de notre
galaxie (quelques dizaines de milliers d’années-lumière) laissent
espérer, pour une civilisation comme la nôtre assez proche de la
capacité d’explorer à une fraction appréciable de la vitesse de la
lumière les systèmes environnants, une exploration d’une large part de
la galaxie en un temps inférieur à 1 million d’années.
Or ce temps n’est que le dix-millième environ de l’âge de notre galaxie, la Voie lactée, âgée d’environ 13 milliards d’années, ou de notre Univers, âgé de 14 milliards d’années environ. Il eût donc été fort probable que notre planète ait été visitée par plusieurs centaines d’espèces différentes d’extraterrestres, qui sont à ce jour remarquablement absentes.
Sous l’hypothèse apparemment raisonnable d’un taux de croissance de la consommation et de l’utilisation des ressources de 2 % par an, la durée d’épuisement des ressources de la Terre est de quelques centaines d’années, avec une large marge d’incertitude. Pour l’Univers observable tout entier, curieusement, l’estimation est plus précise : entre 5 000 et 6 000 ans, à très peu de chose près…
Car, si nous analysons notre histoire et ses violences répétées, quasi-permanentes, si nous regardons avec lucidité notre avidité à utiliser sans vergogne les ressources naturelles, dont beaucoup sont en ce moment même en voie d’épuisement, avec un horizon inférieur à quelques dizaines d’années, l’instabilité très forte apportée par la vie semble l’explication la plus probable au paradoxe de Fermi.
Mais nous n’avons pas encore épuisé ou grillé la Terre, comme l’imagine le film Interstellar.
Pouvons-nous encore réagir et tenter de développer, au moins dans ses
grands principes, une stratégie permettant de poursuivre l’incroyable
expansion des connaissances que nous constatons depuis quelques dizaines
d’années ?
En effet, un chiffre particulièrement frappant de notre société, où le développement technologique a joué un rôle prépondérant dans le changement des conditions de vie d’une très large part de l’humanité, est que si 6 % de tous les êtres humains nés sur Terre étaient encore en vie en l’an 2000 – ce qui est déjà une proportion énorme – c’est près de 90 % des chercheurs de toute l’histoire de l’humanité qui étaient encore vivants à cette même date.
Je défends donc l’idée qu’il est essentiel, durant les quelques dizaines d’années où nous pouvons espérer poursuivre la phase de développement technologique que nous connaissons actuellement, que l’ensemble des pays, et en premier lieu les pays développés qui ont la chance de pouvoir disposer déjà de structures de recherche éprouvées, mettent en toute première priorité le développement des activités de recherche et développement qui seules pourront nous permettre de faire face aux défis à venir.
Et, même si cette possibilité m’apparaît chaque jour plus improbable, de définir une stratégie permettant à l’humanité de poursuivre un développement technologique, plus respectueux de la nature et de ses lois, afin de peut-être, dans quelques dizaines d’années à un siècle, pouvoir aller explorer d’autres systèmes planétaires, démentant enfin le paradoxe de Fermi.
Le défi est énorme, mais nous ne l’avons pas encore perdu.
Frédéric BERGER
Or ce temps n’est que le dix-millième environ de l’âge de notre galaxie, la Voie lactée, âgée d’environ 13 milliards d’années, ou de notre Univers, âgé de 14 milliards d’années environ. Il eût donc été fort probable que notre planète ait été visitée par plusieurs centaines d’espèces différentes d’extraterrestres, qui sont à ce jour remarquablement absentes.
Enrico Fermi, Prix Nobel de physique en 1938.
Une simple question de délai ?
Un point semble toutefois avoir peu été discuté par Fermi : le délai dont nous disposons avant d’épuiser les ressources à notre disposition, que ce soit à l’échelle de notre planète Terre, ou même à l’échelle de l’Univers observable (disons à l’intérieur d’un rayon de 10 milliards d’années-lumière, soit environ 100 milliards de milliards de kilomètres).Sous l’hypothèse apparemment raisonnable d’un taux de croissance de la consommation et de l’utilisation des ressources de 2 % par an, la durée d’épuisement des ressources de la Terre est de quelques centaines d’années, avec une large marge d’incertitude. Pour l’Univers observable tout entier, curieusement, l’estimation est plus précise : entre 5 000 et 6 000 ans, à très peu de chose près…
Une croissance de 2 % par an poursuivie pendant quelques
millénaires grille presque nécessairement le système planétaire
qui en subit l’expérience.
millénaires grille presque nécessairement le système planétaire
qui en subit l’expérience.
Ce temps est ridiculement faible et lui aussi apparemment paradoxal :
pour épuiser les ressources dans un rayon de 10 milliards
d’années-lumière, il faudrait, a priori, plusieurs milliards d’années,
sauf à avoir simultanément à l’œuvre un très grand nombre de
civilisations expansionnistes, ou à aller plus vite que la vitesse de la
lumière, ce qui semble impossible. Autrement dit, une croissance de 2 %
par an poursuivie pendant quelques millénaires grille presque
nécessairement le système planétaire qui en subit l’expérience.
La vie, accélérateur d’instabilité
Nous tenons donc ici ce que j’estime être la meilleure réponse au paradoxe de Fermi : la vie constitue une sorte d’accélérateur, qui induit une extrême instabilité. Ainsi, sans une stratégie extrêmement précise et rigoureuse, il est infiniment probable que, telles des fourmis vivant sur un tas de salpêtre, nous grillions le jour où nous découvrons les allumettes, bien avant d’être parvenus à développer le voyage interstellaire.Car, si nous analysons notre histoire et ses violences répétées, quasi-permanentes, si nous regardons avec lucidité notre avidité à utiliser sans vergogne les ressources naturelles, dont beaucoup sont en ce moment même en voie d’épuisement, avec un horizon inférieur à quelques dizaines d’années, l’instabilité très forte apportée par la vie semble l’explication la plus probable au paradoxe de Fermi.
Image extraite du film Interstellar de Christopher Nolan, avec Matthew McConaughey (2014).
En effet, un chiffre particulièrement frappant de notre société, où le développement technologique a joué un rôle prépondérant dans le changement des conditions de vie d’une très large part de l’humanité, est que si 6 % de tous les êtres humains nés sur Terre étaient encore en vie en l’an 2000 – ce qui est déjà une proportion énorme – c’est près de 90 % des chercheurs de toute l’histoire de l’humanité qui étaient encore vivants à cette même date.
Je défends donc l’idée qu’il est essentiel, durant les quelques dizaines d’années où nous pouvons espérer poursuivre la phase de développement technologique que nous connaissons actuellement, que l’ensemble des pays, et en premier lieu les pays développés qui ont la chance de pouvoir disposer déjà de structures de recherche éprouvées, mettent en toute première priorité le développement des activités de recherche et développement qui seules pourront nous permettre de faire face aux défis à venir.
Et, même si cette possibilité m’apparaît chaque jour plus improbable, de définir une stratégie permettant à l’humanité de poursuivre un développement technologique, plus respectueux de la nature et de ses lois, afin de peut-être, dans quelques dizaines d’années à un siècle, pouvoir aller explorer d’autres systèmes planétaires, démentant enfin le paradoxe de Fermi.
Le défi est énorme, mais nous ne l’avons pas encore perdu.
Frédéric BERGER
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